La réduction en taille des matériaux semiconducteurs à l’échelle du nanomètre permet de restreindre le degré de liberté de mouvement des électrons (ou dimensionnalité) suivant 1, 2 ou 3 directions de l’espace. A ce jour, en raison des contraintes de croissance, l’étude du comportement des électrons est restée limitée aux matériaux ayant des dimensionnalités strictes (1D, 2D ou 3D). Un étude originale montre que des matériaux obtenus par des procédés de chimie colloïdale peuvent avoir une dimensionnalité hybride, intermédiaire entre 2D et 1D.
Dans les matériaux massifs, les propriétés des porteurs de charge, i.e., les électrons, découlent directement des matériaux eux-mêmes, indépendamment de l’environnement extérieur. Ce paradigme n’est cependant plus valable lorsque ces matériaux sont réduits à l’échelle nanométrique. En effet, à cette échelle, le degré de liberté de mouvement des électrons dépend fortement de la taille et de la forme des matériaux. Cette forte dépendance donne lieu à des effets spectaculaires comme la modification de la couleur de la lumière émise par un même matériau en modifiant simplement sa taille comme illustré sur la figure 1. Cette variation de couleur est associée à une modification de l’énergie des électrons induite par le confinement quantique. A l’échelle nanométrique, le degré de liberté de mouvement des électrons dans les matériaux, aussi appelé dimensionnalité (D), peut être contrôlé précisément. Ainsi dans les nanotubes de carbone, dit 1D, les électrons ne peuvent se propager librement que suivant la longueur du tube.
Les progrès technologiques de ces vingt dernières années ont conduit au développement de matériaux étalons permettant l’exploration des propriétés électroniques et optiques associées aux différentes dimensionnalités. Ainsi les nanocristaux colloïdaux, nanotubes de carbone, les puits quantiques obtenus par épitaxie constituent les références pour les dimensionnalités 0D, 1D, 2D respectivement. A l’heure actuelle, les différentes méthodes de croissance employées n’ont pas permis de développer les matériaux de sorte à explorer de façon continue les effets de dimensionnalité du matériau massif vers les nanostructures 0D. De telles études impliquent un contrôle métrologique de la croissance des matériaux à l’échelle de la couche atomique près dans les trois directions de l’espace.
C’est dans cette optique que des chercheurs de l’IEMN en collaboration avec une équipe de l’université de Gand ont montré qu’il était possible d’obtenir, par des procédés de synthèse chimique colloïdale, des nanoparticules anisotropes de CdSe, appelées NanoPLaquettes (NPL), pour lesquelles le confinement des électrons peut être finement ajusté dans les 3 directions de l’espace. Ces NPL présentent un fort confinement quantique suivant leur épaisseur qui est de l’ordre du nanomètre et est contrôlée à la couche atomique près. Les dimensions latérales peuvent être variées de quelques nanomètres à la centaine de nanomètres ce qui permet de modifier le confinement des électrons et étudier des effets de tailles finies. Les études par microscopie à effet tunnel ont ainsi montré que, pour des NPL de dimensions latérales finies inférieures à 30 nm, les densités d’états électroniques présentent des singularités de Van Hove, caractéristiques des matériaux 1D, en très bon accord quantitatif avec les calculs théoriques de liaisons fortes, et en nette contradiction avec le paradigme largement admis depuis une décennie pour les NPL, d’une densité d’état 2D pour les électrons dans la bande de conduction.
Ces premiers résultats publiés dans Nanoletters1 ouvrent la voie vers une compréhension des propriétés électroniques à la frontière de dimensionnalités, incontournable pour le développement d’hétéro-nanostructures fonctionnelles qui utiliseraient les avantages inhérents aux différentes dimensionnalités pour optimiser les performances.
(1) Peric, N.; Lambert, Y.; Singh, S.; Khan, A. H.; Vergel, N. A. F.; Deresmes, D.; Berthe, M.; Hens, Z.; Moreels, I.; Delerue, C.; Grandidier B.; Biadala L. Van Hove Singularities and Trap States in Two-Dimensional CdSe Nanoplatelets. Nano Lett. 2021, 21 (4), 1702–1708. https://doi.org/10.1021/acs.nanolett.0c04509.