Et si les nouveau-nés et les nourrissons pouvaient nous aider à faire progresser la nanomédecine du diabète ?


« Amasse dans ta jeunesse, tu trouveras dans ta vieillesse ».

Dans cet adage populaire berbère, plusieurs messages peuvent-être entendus. Un que l’on retiendra concerne l’importance du capital santé de la jeunesse pour le « bien vieillir ». En réalité, ce capital santé, nous l’amassons dès la période du nouveau-né et celle du nourrisson. Si la glycémie est finement régulée et que nous ne développons pas de diabète, c’est grâce à l’épatante capacité des cellules sécrétrices de l’insuline, appelées cellules béta pancréatiques (cellules béta), à adapter sa masse cellulaire et la quantité d’insuline produite lors des changements d’habitudes alimentaires ou lors d’une grossesse, par exemple. En fait, cette formidable plasticité, exprimée sous la forme d’une partition ou code épigénétique, est créée durant les périodes d’alimentation du nouveau-né et du nourrisson. Ce même code se trouve dans les cellules performantes des individus en surpoids ou obèses qui ne développent pas de diabète.

Toutes les cellules de notre organisme ont le même ADN. Si l’on devait comparer une cellule à un ordinateur, cet ADN serait le « hardware ». De fait, toutes les cellules ont aussi les mêmes gènes. En revanche, les gènes ne s’expriment pas de la même manière entre toutes les cellules. C’est ce qui détermine l’identité d’une cellule et par conséquent, c’est ce qui caractérise les organes entre eux. Ce caractère d’une cellule est déterminé par sa génétique et par son épigénétique. Le dernier terme désigne les centaines voire les milliers de modifications biochimiques que subit l’ADN, et les protéines qui l’entourent, d’une cellule en réponse à son environnement. En fait, ces modifications épigénétiques constituent une sorte de logiciel qui programme et surtout adapte le fonctionnement d’une cellule à son environnement. Les cellules se spécialisent dans leur environnement grâce à l’épigénétique.

Les cellules béta ont l’exclusivité de fabriquer de l’insuline, la seule hormone qui réduit la glycémie dans l’organisme. Elles sécrètent une quantité importante de cette hormone dans le sang lorsque la concentration sanguine de sucre augmente. Architecturalement, les cellules béta sont aussi très plastiques. Elles sont capables d’augmenter leur volume et leur nombre, lors d’une élévation de la masse corporelle et lors d’une suralimentation riche en lipides et en glucides, lorsqu’elle est chronique. Cette plasticité et cette capacité des cellules à sécréter de l’insuline en réponse au glucose sont établies grâce à un logiciel mis en place entre la période d’allaitement maternel exclusif du nouveau-né et celle du sevrage, caractérisée par l’apparition d’une alimentation riche en sucre. Une fois l’alimentation acquise, ce logiciel devient silencieux à l’âge adulte. Cependant, un faisceau de preuves corroborent l’hypothèse selon laquelle ce logiciel redevient actif dans les cellules béta adultes, lorsque nous sommes confrontés à une prise de poids, une grossesse ou une alimentation excessive, afin d’augmenter la masse des cellules et la production de l’insuline…

Chez les patients diabétiques, certaines de ces modifications épigénétiques qui constituent ce logiciel, sont altérées, laissant penser qu’une panne du logiciel pourrait être responsable de l’incapacité des cellules béta d’adapter leur masse et la production de l’insuline à l’hyperglycémie chronique. Les nouveau-nés de parents diabétiques, ont aussi plus de risque de développer un diabète, suggérant la transmission de cette panne aux descendants. N’oublions pas que le diabète est un fléau, qui tue plusieurs millions de personnes dans le monde chaque année, et qu’il réduit en moyenne 6 années d’espérance de vie au malade.
 

Certaines séquences défectueuses du logiciel ont été identifiées, mais beaucoup reste encore à découvrir. Leur identification permettra de trouver des nouvelles cibles de médicaments, dont la délivrance, et leur transport dans le sang pourront être optimisés grâce aux nanotechnologies, un des axes de recherche entrepris par l’équipe NBI…

2022-jun | Trends in endocrinology and metabolism: TEM 33 (6) , pp.378-389