Les métamatériaux (mécaniques et acoustiques) et le concept d’architecture de la cellule unitaire

Bien qu’en mécanique et en acoustique il n’existe pas de définition universellement acceptée de la notion de métamatériaux, il est admis que la « géométrie » joue un rôle fondamental dans la détermination de leurs propriétés statiques et dynamiques. Si, au début des années 2000, les formes considérées étaient plutôt canoniques (matrice avec inclusions circulaires, carrées, etc.), au fil du temps, des géométries de plus en plus complexes ont été explorées grâce à l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs et à l’évolution des technologies de fabrication. Dans ce contexte, la Nature, grâce à des millions d’années d’évolution, est un grand maître de « l’architecture matérielle » pour obtenir des propriétés avancées spécifiques et des géométries axées sur des fonctionnalités précises. En prenant inspiration des architectures hiérarchiques ou fractales, typiques de la majorité des systèmes biologiques, nous montrons qu’en reproduisant cet enrichissement structural à la méso-échelle des métamatériaux on induit des comportements d’une grande richesse, ouvrant des nouvelles perspectives de contrôle des ondes élastiques basées sur l’activation simultanée de divers mécanismes d’atténuation des ondes.

Les métamatériaux (mécaniques et acoustiques) et le concept d’architecture de la cellule unitaire

Bien qu’il n’existe pas encore de définition universellement acceptée de la notion de « métamatériaux mécaniques et / ou acoustiques », la communauté scientifique a tendance à les identifier comme des « composites présentant une architecture périodique ou quasi-périodique, conçue pour produire une réponse statique ou dynamique atypique face à des contraintes spécifiques ».
L’aspect « géométrie » joue, donc, un rôle fondamental dans la détermination des propriétés des métamatériaux. Par exemple, en dynamique, à parité de fraction de remplissage(1), la forme des inclusions (ou des vides) et de leur distribution dans la cellule unitaire (en forme de cercle, de carreau, de croix, etc., centrée, disposée aux bords, etc.) peut mener à l’ouverture de bandes interdites (fréquences dans lesquelles la propagation des ondes est fortement atténuée) ou à des courbes à pente négative dans le diagramme de dispersion, et atteindre des comportements atypiques tels que la réfraction négative, la protection topologique, l’absorption parfaite, etc.

De la même façon, quand les effets de résonance locale sont les principaux acteurs responsables du comportement global du métamatériau, la forme (et la disposition) des résonateurs devient essentielle. Dans ce sens-là, on pourrait dire que les métamatériaux portent en eux-mêmes le concept d’architecture.
Si, au début des années 2000, les formes considérées étaient plutôt canoniques (circulaires, carrées, etc.), des géométries de plus en plus complexes ont, depuis, été explorées. Ceci a été permis par (i) l’augmentation de la puissance de calcul des ordinateurs, ainsi qu’à (ii) l’évolution des technologies de fabrication. Par exemple, l’impression 3D, qui permet d’obtenir à des prix raisonnables des formes de plus en plus complexes, ou la (photo-)lithographie, qui permet une résolution sans précédents couvrant plusieurs échelles de longueur, en représentent deux exemples importants.

(1) Rapport des volumes constituant la matrice et l’inclusion dans une cellule unitaire.


Cela a ouvert la voie à une nouvelle vision du concept « d’architecture » associée aux métamatériaux, c’est-à-dire « introduire, entre l’échelle de la microstructure du matériau constitutif et celle de la macrostructure, d’une à plusieurs autres échelles d’organisation de la matière ». Les structures hiérarchiques ou fractales qu’on retrouve dans la majorité des systèmes biologiques, et pour lesquelles la même géométrie peut se répéter d’une façon « autosimilaire » ou « non-autosimilaire » sur plusieurs échelles, en sont des clairs exemples. Ces échelles, qualifiées comme mésoscopiques peuvent être faiblement séparées (couplées) de l’échelle macroscopique et induire des comportements effectifs d’une grande richesse.

La bio-inspiration dans les métamatériaux : la Nature, grand maître de l’architecture matérielle

Si l’humanité n’a commencé que récemment à exploiter des architectures complexes (surtout en raison de limitations technologiques), la Nature, grâce à des millions d’années d’évolution, est un grand maître de « l’architecture matérielle » pour obtenir des propriétés avancées spécifiques et des géométries axées sur des fonctionnalités précises. En effet, la caractéristique commune conduisant à ces propriétés surprenantes réside souvent dans l’organisation hiérarchique de la matière sur plusieurs échelles (organisation observée dans de nombreux matériaux naturels comme le bois, l’os, les éponges, etc.). Par conséquent, une attention croissante a été consacrée ces dernières années à la synthèse de matériaux artificiels inspirés de la nature, mais ciblant principalement des performances quasi-statiques. A l’opposé, la prise en compte d’une organisation hiérarchique dans la conception de la cellule élémentaire des cristaux phononiques et des métamatériaux (mécaniques et acoustiques)(2) n’est que très récente.

(2) L’architecture matérielle est entendue ici comme « organisation d’une cellule unitaire répétée sur plusieurs niveaux d’échelle ».

Dans ce contexte, nous avons présenté un nouveau type de métamatériau constitué d’une matrice polymère avec des trous en forme de croix « non autosimilaires » répétés à plusieurs niveaux d’échelle. Cela nous a permis d’atteindre un comportement hautement atténuatif par rapport aux ondes élastiques sur plusieurs échelles de fréquences grâce au fait que la « hiérarchie non autosimilaire » conduit à l’ouverture de multiples (et larges) bandes interdites, y compris dans le régime sous-longueur d’onde (c’est à dire quand la longueur d’onde de l’onde à atténuer est beaucoup plus grande que la taille de la structure elle-même).

A travers des modèles numériques et des mesures au vibromètre laser à balayage, nous avons révélé que la hiérarchie « non autosimilaire » permet l’ouverture de telles bandes interdites grâce à l’activation simultanée de multiples mécanismes d’atténuation : diffusion de Bragg, résonance locale et / ou amplification inertielle. Ces mécanismes ont été clairement identifiés en analysant la partie imaginaire du nombre d’onde. Cette approche de conception basée sur plusieurs mécanismes conduit à des dynamiques enrichies à différentes échelles (ouverture de bandes interdites supplémentaires, la conservation de celles existantes décalées en fréquence, ainsi que la possibilité de préserver les mécanismes de déformation globale des niveaux hiérarchiques précédents, malgré la variation du rapport masse/rigidité du système global).

En conclusion, l’enrichissement de l’architecture des métamatériaux à la méso-échelle induit des comportements effectifs d’une grande richesse, en offrant des nouvelles perspectives de contrôle des ondes élastiques, favorisant l’activation simultanée de divers mécanismes d’atténuation des ondes.

References :
[1] Mazzotti, […], Miniaci. Bio-inspired non-self-similar hierarchical elastic metamaterials. International Journal of Mechanical Sciences 241:107915 (2023).
[2] Miniaci et al. Bio-inspired hierarchical dissipative metamaterials, Physical Review Applied, 10, 024012 (2018).