Et si le monde de l’Internet des Objets n’était pas Gaussien ?

 

L’interférence ne cesse de croitre dans les communications sans fils du fait de l’accroissement des objets communiquant. Elle vient s’ajouter aux bruits habituels des récepteurs. Cependant elle ne présente pas les mêmes propriétés statistiques ce qui devrait impacter significativement la conception du récepteur. Réalisées avec des chercheurs d’Aalborg, les premières mesures de ces interférences dans la bande à 868 MHz mettent en évidence leur nature non-gaussienne.
La 5G et les réseaux futurs voient une densité toujours plus grande d’objets connectés. Comme ces objets ne sont pas coordonnés, il n’y a que peu de possibilités de limiter les interférences. Il est alors crucial de caractériser l’interférence afin de comprendre son impact sur le codage, la forme d’onde et la conception du récepteur. Bien qu’un certain nombre de modèles théoriques aient été développés, il y a très peu de validation expérimentale. Ce travail comble en partie cette lacune en effectuant une analyse statistique de mesures récentes dans la bande sans licence 863 – 870 MHz dans différentes régions d’Aalborg, Danemark (voir Figure). En particulier, les données mesurées montrent que la queue de la distribution de la puissance d’interférence est lourde, confirmant les prédictions des modèles théoriques.

1.         L’interférence est la conséquence de transmissions simultanées de différents dispositifs sur le même canal que celui observé par un récepteur donné. Depuis Middleton (1977), la géométrie stochastique a joué un rôle important dans la caractérisation des propriétés statistiques de l’interférence. Les interférents sont localisés selon un processus de Poisson ponctuel homogène, et des distributions d’interférence non gaussiennes apparaissent naturellement. Un résultat significatif est que le comportement de la queue de la distribution est dominé par l’interférent le plus fort et que des distributions sub-exponentielles apparaissent souvent.

2.         Ce travail présente la première confrontation de ces résultats théoriques à des données expérimentales. Des mesures de la puissance reçue ont été effectuées à 5 endroits distincts d’Aalborg (Danemark) : centre-ville, parc d’affaires, hôpital, zone industrielle et zone résidentielle. Les mesures ont été effectuées au niveau de la rue en utilisant un analyseur de réseau radio équipé d’une antenne omnidirectionnelle pendant une période de 2 heures. L’ensemble de l’activité RF sur l’antenne dans la bande ISM 868 MHz (863-870 MHz) a été enregistré.

3. Les données de mesure obtenues aux cinq emplacements confirment l’hypothèse de la nature sub-exponentielle de la distribution de la puissance interférente. Le graphique présenté montre la fonction de survie des données et de distributions connues (exponentielle, notée a=2, et sub-exponentielle, notées a=1,4, 1,6 et 1,8). Elle valide clairement la queue lourde de l’interférence dans le contexte des communications dans l’Internet des Objets (IoT). Les modèles d’interférence sont la clé pour concevoir des stratégies de codage et de décodage efficaces ainsi que pour adapter efficacement l’accès aux canaux et la topologie du réseau. En tant que telles, les données de mesure suggèrent qu’il est nécessaire de reconsidérer l’utilité des modèles gaussiens dans la conception de réseaux pour l’IoT.

Clavier, Troels Pedersen, Ignacio Larrad, Mads Lauridsen, and Malcolm Egan, Experimental Evidence for Heavy Tailed Interference in the IoT, IEEE COMMUNICATIONS
LETTERS 25 (2021), no. 3, 692-695.