Une nouvelle dimension en acoustique picoseconde

Acoustique picoseconde dans une couche mince transparente : un film métallique est excité par une impulsion laser femtoseconde, une impulsion acoustique d’ultra-haute fréquence traverse la couche et une oscillation est détectée. Les deux signaux sont obtenus avec un film standard (courbe noire) et un film incliné (courbe rouge). La transformée de Fourier visible à droite confirme qu’avec le film incliné deux fréquences acoustiques sont détectées, les ondes transverse et longitudinale.

Une équipe de l’Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie en collaboration avec FEMTO-ST de Besançon et le LMI de Lyon (Laboratoire des multimatériaux et interfaces) a étendu les capacités métrologiques de l’acoustique picoseconde. Cette technique laser permet de mesurer les propriétés élastiques des couches minces mais jusque-là uniquement dans la direction perpendiculaire à la couche. Grâce à une couche métallique faite de colonnes inclinées, l’élasticité dans le plan devient également accessible.  Les résultats sont publiés dans la revue Applied Physics Letters.

L’acoustique picoseconde désigne une acoustique ultra-haute fréquence qui produit des hypersons (bien au-delà des ultrasons), qu’on n’entend pas plus bien sûr, mais qui sont très utiles à la mesure de propriétés de couches minces et autres nanostructures. La technique a vu le jour dans les années 1980 et a depuis connu un engouement aussi bien dans le monde académique que dans l’industrie, où elle est utilisée pour contrôler les microprocesseurs sur les lignes de production. Pour accéder au monde des hyper ou encore « nanosons », pas de micro, ni de transducteur, juste de la lumière laser sous forme de flashs extrêmement brefs, des impulsions femtosecondes.

Mais cette technique a une limite intrinsèque : seules certaines ondes acoustiques sont accessibles, les ondes longitudinales. Et c’est un problème, car on apprend bien plus de choses sur l’état de la matière, quand on mesure la vitesse de plusieurs types d’onde (longitudinales et transverses). De nombreux travaux antérieurs avaient montré qu’il est parfois possible de contourner cette limitation, mais toujours dans des configurations d’échantillons particulières. Impossible en particulier de généraliser à des échantillons de type couche mince sur silicium, LA géométrie de base des applications, ces tentatives restaient donc vaines.

En utilisant une couche mince métallique déposée en colonnes inclinées, nous avons montré que n’importe quelle couche transparente sur silicium peut être caractérisée en ondes longitudinales et transverses. La couche inclinée agit comme un émetteur mixte longitudinal/transverse lorsqu’elle est soumise au laser et l’acoustique picoseconde gagne une nouvelle dimension. Si l’étude était initialement dédiée aux couches minces transparentes, silice, nitrure d’aluminium, carbure de silicium, le procédé se généralise à des couches non transparentes, les couches métalliques par exemple. Les applications sont nombreuses car la mesure des propriétés élastiques des couches minces est incontournable dans la conception d’objets technologiques aussi variés que les filtres pour la téléphonie mobile, les miroirs spatiaux, le verre intelligent…

Référence
Tilted columnar metal film as transducer of transverse coherent acoustic phonons in Picosecond Acoustics.
Asma Chargui, Nicolas Martin, Gabriel Ferro, et Arnaud Devos.
Applied Physics Letters, 8 novembre 2024.
https://doi.org/10.1063/5.0228331