Une nouvelle approche pour la génération photonique d’ondes térahertz
Les ondes Terahertz, une forme de rayonnement électromagnétique d’une fréquence allant de quelques centaines à plusieurs milliers de Gigahertz, peuvent être générées en éclairant un dispositif à semi-conducteur, appelé photo-mélangeur, avec deux diodes-laser émettant des photons dans le proche infrarouge. L’équipe Photonique Terahertz du Laboratoire IEMN a démontré un nouveau type de photo-mélangeur s’appuyant plutôt sur des diodes-laser moyen-infrarouge. Cela ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de la génération photonique Terahertz.
Le rayonnement Terahertz (THz), dont la fréquence s’étend de quelques centaines de GHz à 1 THz, est particulièrement recherché pour la prochaine génération de communications sans fil, également connue sous le nom de 6G. À cette fin, deux types d’approches sont actuellement développées, toutes deux basées sur la technologie des semi-conducteurs. L’approche dite « électronique » exploite le comportement électrique non linéaire de jonctions semi-conducteur/métal pour générer des harmoniques d’ordre élevé d’un signal micro-onde dans la gamme des 10 GHz.
L’« approche photonique » exploite plutôt le processus d’absorption optique dans un semi-conducteur, où un photon incident dont la fréquence se situe dans la gamme du proche infrarouge/visible (égale à ~3000 THz à l = 1 mm) excite un électron de la bande de valence vers la bande de conduction, donnant lieu à un « photo-courant » électrique. L’amplitude du photo-courant étant proportionnelle au carré du champ électrique de la radiation proche-infrarouge incidente, ce processus est intrinsèquement non linéaire. Cela signifie notamment que si le semi-conducteur est éclairé simultanément par deux faisceaux laser de fréquences n1 et n2, le photocourant généré oscillera à nTHz = n1 – n2. La valeur de nTHz peut balayer toute la gamme THz en ajustant simplement n1 (ou n2), ce qui est facile à faire en modifiant la température ou le courant d’excitation d’une diode laser. Dans un dispositif appelé « photo-mélangeur », le courant oscillant est ensuite couplé aux électrodes d’une antenne, ce qui permet l’émission de radiation THz dans l’espace libre.
L’amélioration du rendement de conversion proche-infrarouge → THz est cruciale pour optimiser la performance d’ un photo-mélangeur. Pour une puissance incidente donnée dans le proche-infrarouge, ce rendement est limité par la valeur maximale du photo-courant généré . A son tour, ce dernier est fondamentalement limité par le fait que pour chaque photon incident absorbé, un seul électron est généré. En supposant une puissance incidente égale, il est donc plus efficace d’éclairer un photo-mélangeur avec une paire de diodes-laser moyen-infrarouge (f ~ 300 THz à l = 10 mm) plutôt qu’avec des diodes laser proche-infrarouge. En effet, dans le premier cas le nombre de photons (et donc d’électrons photo-générés) sera supérieur d’une fraction égale au rapport entre la fréquence proche-infrarouge et celle moyen-infrarouge, soit environ un facteur 10. Ceci se traduira donc par un photo-courant dix fois plus important.
Pour la démonstration d’un photo-mélangeur à pompage moyen-infrarouge, nous avons choisi d’exploiter comme matériau absorbant une hétéro-structure dite à multi-puits quantiques , dans laquelle les électrons de la bande de conduction voient un potentiel constitué d’une série de puits quantiques de GaAs de 6,5 nm de largeur, séparés par des barrières de Al0,2Ga0,8As de 40 nm. Comme le montre l’encart en haut à droite de la figure, dans ce matériau artificiel, l’absorption des photons se produit entre deux niveaux électroniques unidimensionnels, générant un photo-courant dans le continuum d’états au-dessus des barrières de potentiel. Comme le montre l’encart en haut à gauche, l’hétéro-structure, composée de 7 puits quantiques, est prise en sandwich entre une couche d’or inférieure (plan de masse) et une couche d’or supérieure, en forme de patch carré, qui servent de contacts électriques. Ces couches métalliques forment également un « résonateur à antenne patch », qui permet d’amener sur les puits quantiques le rayonnement moyen-infrarouge incident perpendiculairement à la surface (l’amplitude du champ électrique du mode électromagnétique excité est représentée en échelle de couleurs). De cette façon, l’absorption de l’hétéro-structure, et donc l’amplitude du photo-courant généré, est considérablement augmentée par rapport à une architecture sans résonateur. L’encart en bas montre une image au microscope électronique du cœur du photo-mélangeur, constitué d’une matrice de 9 résonateurs à antenne patch connectés en parallèle par des fils d’or suspendus. À leur tour, le plan de masse et les patchs d’or sont connectés électriquement aux deux bras d’une antenne spirale qui permet au photo-courant généré d’émettre la radiationTerahertz dans l’espace libre.
En éclairant le dispositif avec une paire de lasers à semi-conducteurs moyen-infrarouge fonctionnant à une longueur d’onde de 10 µm, nous avons mesuré une émission allant jusqu’à une fréquence de 1 THz, démontrant ainsi le premier photo-mélangeur THz à pompage moyen-infrarouge. Bien que l’efficacité de conversion soit encore loin de celle des photo-mélangeurs proche infrarouge qui ont bénéficié de plusieurs décennies de développement, plusieurs pistes sont possibles pour optimiser ce premier prototype, ouvrant la voie au développement d’une nouvelle génération de sources THz.
Q. Lin, J.-F. Lampin, G. Ducournau, S. Lepilliet, H. Li, E. Peytavit,
Room-temperature, continuous-wave terahertz generation in free-space with an intersubband mid-infrared photomixer, APL Photonics 10, 046102 (2025).