De nos jours, les individus emportent un smartphone partout avec eux. D’autres objets peuvent nécessiter d’être portés sur soi tels que des capteurs physiologiques, des caméras, des cartes d’accès, …. Nos recherches exploitent le potentiel d’énergie stockée dans la batterie d’un smartphone en établissant un pont textile entre lui et ces autres petits objets. Associée à la technologie sans contact, une structure brodée va piéger le champ magnétique émis par le smartphone situé dans une poche. Elle va ensuite le restituer à n’importe quel endroit du vêtement afin d’alimenter un objet cible.
Deux difficultés freinent la mise en place de l’Internet des objets. La capacité de communication entre les objets d’une part et la disponibilité de sources d’énergie d’autre part. Aujourd’hui, les individus emportent un smartphone partout avec eux. D’autres objets peuvent nécessiter d’être portés sur soi tels que des capteurs de paramètres physiologiques, des caméras, des cartes d’accès, …. Nos recherches visent à exploiter le potentiel d’énergie stockée dans la batterie d’un smartphone en établissant un pont textile entre celui-ci et ces autres petits objets. Ils s’inscrivent dans le cadre du projet ANR CONTEXT (CONnected TEXTile) réunissant des chercheurs de l’IEMN, de GEMTEX (ENSAIT, Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles de Roubaix) et du LEAT (Laboratoire d’Electronique, Antennes et Télécommunications de Nice). Il comporte une partie « transmission de données à haut débit » (groupe IEMN-DOME) et une partie « distribution d’énergie » (groupe IEMN-CSAM). C’est de cette partie dont il est question dans la suite de cet article. Les simulations et les mesures ont été réalisées grâce aux ressources des plateformes CEM et SIGMACOM. Le choix s’est porté sur la technologie sans contact NFC (Near Field Communication) qui permet, en même temps, d’alimenter un objet dénué de pile et de communiquer avec lui, au moins à bas débit. Elle est néanmoins limitée à quelques millimètres de distance. L’idée est de développer des structures de distribution de l’énergie permettant d’étendre le périmètre de fonctionnement de cette technologie dans le contexte dit « wearable ». Ainsi, l’objectif est de permettre au smartphone d’atteindre tous les objets faibles consommateurs en énergie en développant des vêtements capables de jouer le rôle de « relais » ou encore de « coupleur » entre ces deux entités. Il est important que l’ensemble du fonctionnement soit « sans contact » afin de régler définitivement la problématique des batteries qui ne passent pas en machine à laver ainsi que celle des connexions ohmique d’objet qui représente toujours une grande faiblesse pour tous les systèmes « wearable ». Pour simple que soit cette idée, elle n’en demeure pas moins sujette à de multiples écueils. Une solution scientifique bien connue permettant le transfert d’énergie sans contact est d’utiliser le principe de l’induction magnétique.
Depuis ces dix dernières années, de nombreux travaux ont été réalisés dans le but de recharger la batterie d’un smartphone, d’un dispositif biomédical ou encore d’un véhicule. Ces trois cas sont caractérisés par l’utilisation d’une source de recharge branchée au réseau d’énergie électrique et le placement maîtrisé des éléments à relier et notamment de la distance les séparant. Les antennes utilisées sont constituées de boucles spiralées plates réalisées à l’aide de conducteurs de plus ou moins grande section selon les puissances mises en jeu. Dans le domaine de puissance de l’ordre ou inférieur au Watt, des antennes similaires à des cartes de circuits imprimés constitués de pistes en cuivre (PCB, Printed Circuit Board) sont couramment utilisées pour les systèmes précités. Les contraintes sont totalement différentes dans le domaine « wearable » puisqu’il faut développer des antennes constituées de fils textiles conducteurs. Le choix de ces fils résulte d’un compromis entre les propriétés électriques de conduction et les propriétés mécaniques garantissant une bonne tenue en flexibilité et en lavabilité. Par ailleurs, ils doivent également pouvoir résister aux contraintes de tension liées à l’utilisation de machines industrielles de broderie. Le laboratoire Gemtex a apporté ses compétences pour l’obtention d’un fil particulièrement adapté à l’objectif fixé, c’est un fil à structure de Litz totalement recouvert de filaments de polyamide.
Le système étudié doit être utilisé près du corps humain et le risque sanitaire doit être pris en compte. Du point de vue de l’exposition aux champs électromagnétiques, l’ANSES (Agence Nationale de SEcurité Sanitaire) a émis en 2015 la recommandation de prendre des précautions particulières pour des personnes porteuses de DMIA (Dispositif Médicaux Implantables Actifs). Par ailleurs, un rapport de l’AFSSET (ancien nom de l’ANSES) datant de 2009 portant spécifiquement sur l’évaluation des impacts sanitaires lié à l’utilisation des systèmes d’identification par radiofréquence et, par extension, des systèmes de paiement sans contact en champ proche, recommande de surveiller le développement de l’usage de cette technologie. Dans cette gamme de fréquence, il convient pour l’heure de respecter les termes de la recommandation 1999/519/CE. Cette nouvelle directive Européenne est aussi désignée par « directive RED » (Radio Equipment Directive) et concerne tous les équipements radioélectriques mis sur le marché depuis 2017. Les smartphones respectent cette directive et les structures textiles développées dans le projet Context n’ajoutent aucune puissance supplémentaire.
Compte tenu de la nécessité d’utiliser la batterie d’un smartphone comme source principale d’énergie, il convenait de rechercher le meilleur rendement. L’utilisation d’une structure de transfert de puissance par induction magnétique fonctionnant à la résonance s’est donc imposée. Elle vise à supprimer toute perte d’énergie qui résulterait d’un stockage d’une partie de celle-ci dans des éléments réactifs du circuit de distribution. Du point de vue électromagnétique, l’utilisation d’un champ proche nécessite de considérer l’ensemble de la chaîne émetteur (smartphone) – relais (ou coupleur) textile – récepteur (tag NFC, capteurs, …) afin de chercher à atteindre un fonctionnement à la résonance. Malheureusement, toute modification d’un élément du circuit (déformation de la structure de guidage textile, variations de la distance séparant les objets ou de leur disposition) entraîne un décalage de la fréquence de résonance. C’est la problématique du facteur de forme (form factor) caractéristique des systèmes sans contact. Une solution pourrait être de choisir des éléments du circuit ayant des coefficients de qualité plus faibles afin de réduire l’influence de ces paramètres mais au prix d’une perte d’efficacité du transfert d’énergie. Les compromis à faire pour la définition du système final dépendront des niveaux d’énergie requis. Selon les cas de figure, les petits objets à alimenter peuvent consommer entre 10mW et quelques mW. Leur nombre est aussi à prendre en compte.
Nos travaux ont également permis de démontrer qu’il était possible de transférer l’énergie d’un smartphone vers un petit objet communicant en passant par une structure brodée en fils conducteurs en absence totale de composants électroniques et sans la moindre soudure. Le relais (ou coupleur) proposé est donc 100% textile, ce qui lui confère un avantage considérable dans les process industriels de confection de vêtements. Ceci résulte de la réalisation de nombreuses simulations et mesures permettant de créer des éléments inductifs et capacitifs à l’aide d’assemblages adéquats du fil conducteur retenu. Après avoir démontré la faisabilité de transférer de l’énergie grâce à un premier relais composé de deux boucles textiles reliées par une certaine longueur de lignes de transmission parallèles, nous avons généralisé le procédé à des relais à N boucles. Dans ce cas, la difficulté d’obtenir la résonance ainsi qu’un bon bilan de transfert de puissance est liée au fait que chaque boucle est chargée ou pas. Cette charge est représentée par la présence de l’antenne d’un objet communicant situé à proximité immédiate de l’une des boucles du relais textile. Lorsque toutes les boucles sont chargées par le même objet, la puissance transmise par la source (le smartphone) est divisée par le nombre de boucles chargées.
L’utilisation d’un procédé de broderie industriel (cadence rapide) introduit une contrainte supplémentaire non imposée par les procédés de réalisation des cartes de circuits imprimés classiques (PCB). Il est impossible de réaliser un circuit électrique fermé à l’aide de fils lors de la confection d’un vêtement. Cette opération nécessiterait obligatoirement la réalisation d’une soudure introduisant ainsi une opération de post-processing très coûteuse. Face à cette contrainte, nous avons également démontré que l’absence de soudure dans le relais introduit une capacité d’ouverture qui crée une fréquence de résonance pouvant être ou pas confondue avec celle de la structure d’accord avec la fréquence de la source d’émission. La capacité d’ouverture dépend de la disposition géométrique des fils de début et de fin de broderie. Un choix judicieux de géométrie nous permet d’ajuster cette capacité afin de faire fonctionner la structure de guidage à deux fréquences de résonance : 13,56 MHz pour la technologie NFC et 6,78 MHz pour la technologie Qi de recharge par induction des smartphones. Ceci rendrait donc également possible l’utilisation d’une batterie de secours répondant à la norme Qi et activée dans la poche pour recharger la batterie des objets « wearable » se trouvant dans ou sous le même vêtement.
Article publié dans Nature Scientific Reports
Electronic-components less fully textile multiple resonant combiners for body-centric near field communication GARNIER B., MARIAGE P., RAULT F., COCHRANE C., KONCAR V., Sci. Rep. 11, 1 (2021) 2159 doi: 10.1038/s41598-021-81246-z