Le temps de réponse d’un photo-détecteur à base de semi-conducteur est déterminé essentiellement par deux facteurs clef. D’un côté, à l’intérieur du matériau semi-conducteur même, on a le temps de vie des porteurs excités par la radiation incidente. C’est ce que l’on appelle le temps de réponse intrinsèque. D’autre part il faut tenir compte du fait que le détecteur est relié à un circuit électrique externe, ce qui va apporter des éléments parasites (capacité, résistance et/ou inductance) qui déterminent le temps de réponse électrique du composant. L’enjeu est celui de minimiser les effets parasites afin d’atteindre la réponse intrinsèque.
Contrairement aux détecteurs de radiation visible ou proche infrarouge, où le temps de vie de électrons est déterminé par les processus de recombinaison inter-bande, dans les photo-détecteurs de radiation moyen infrarouge (MIR) à multi-puits quantiques, comme celui réalisé dans ce travail, les électrons occupent des niveaux ou mini-bandes à l’intérieur même de la bande de conduction. Par conséquence, les porteurs photo-excités se recombinent via l’émission de phonon optiques, ce qui se traduit par des temps de vie extrêmement courts, de l’ordre de la picoseconde. Des bandes passantes intrinsèques de plusieurs centaines de GHz sont donc potentiellement atteignables.
Dans ce travail, mené au sein de l’équipe Photonique THz de l’IEMN, en collaboration avec des chercheurs du Laboratoire C2N et du Key Laboratory of Terahertz Solid State Technology de Shanghai, une hétéro-structure à multi-puits quantiques GaAs/Al0.2Ga0.8As d’environ 350nm d’épaisseur est exploitée pour réaliser un détecteur MIR à l ~ 10mm. Ce dispositif a été entièrement fabriqué dans la Centrale de Micro et Nano-Fabrication de l’IEMN. Afin de permettre un fonctionnement ultrarapide avec, simultanément, un éclairage à incidence normale, le détecteur exploite une ligne coplanaire 50W , intégrée à avec une matrice d’antennes patch sub-longueur d’onde, connectées électriquement par des fils en or suspendus (voir la Figure ci-dessus).
Grace à cette architecture on obtient une capacité parasite de ~ 30fF, donnée par la capacité statique des antennes, ce qui permet d’atteindre une fréquence de coupure à 3dB > 150 GHz à 300K, extraite avec un modèle de circuit équivalent petit-signal. A partir de la réponse en fréquence expérimentale, avec ce modèle on obtient un temps de réponse intrinsèque de l’ordre d’une picoseconde.
La mesure de la réponse en fréquence du détecteur a été effectuée au sein de la Plateforme de Caractérisation Multiphysique de l’IEMN (pôle Caractérisation Hyperfréquence Optique et Photonique). Pour ce faire nous avons adapté une station cryogénique sous pointes à 67GHz, afin de permettre l’éclairage simultané du détecteur par les faisceaux MIR issus de deux lasers à cascade quantique. Le battement hétérodyne ainsi généré, c’est-à-dire la composante ac du photo-courant oscillant à la différence de fréquence entre les deux lasers, est ensuite détecté à l’aide d’un analyseur de spectre. Le résultat de la mesure à température ambiante est illustré dans la figure ci-dessus (panneau de droite) ou chaque ligne rouge représente un battement hétérodyne. On obtient une réponse en fréquence quasiment plate jusqu’à 70 GHz (cercles noirs), limitée par la bande passante du système de mesure. Il s’agit de la plus large bande passante démontrée à ce jour pour un photo-détecteur MIR à puits quantiques, avec, en même temps, des responsivités à l’état de l’art de 0,15 A/W et 1,5 A /W respectivement à T = 300K et T = 77K. Ces détecteurs offrent de nombreuses possibilités d’application dans des domaines tels que les communications en espace libre, les contremesures militaires, l’astrophysique, ainsi que la détection de gaz et la spectroscopie à haute résolution.