Des tourbillons sonores pour manipuler des objets à l’échelle microscopique
Niveau 1 :
Manipuler des micro-robots dans le corps humain, structurer en 3D différentes souches cellulaires, ou encore immobiliser et imager en 3D des micro-organismes constituent quelques exemples des vastes champs d’applications ouverts par les pinces acoustiques. Des chercheurs de l’IEMN et de l’INSP ont démontré qu’il est possible de manipuler des micro-objets sans contact physique en les piégeant au cœur de structures d’ondes particulières appelées tourbillons acoustiques. Ces tourbillons sont générés par des puces miniatures combinant les principes des hologrammes et des matériaux actifs.
Niveau 2 :
Les capacités offertes par les pinces optiques ont ouvert de nouveaux champs d’investigation en physique, couronnés par les deux prix Nobel de S. Chu et A. Ashkin. Les pinces acoustiques pourraient être à l’origine d’une révolution similaire dans les domaines de la biologie et de la santé car elles sont non-invasives, biocompatibles et peuvent opérer dans des milieux opaques, permettant ainsi d’envisager la manipulation in-vivo d’objets microscopiques.
Les pinces acoustiques, comme leurs analogues optiques, reposent sur une force moyenne produite par une onde, appelée pression de radiation. Les premières preuves de l’existence de cette force remontent aux observations par Kepler de l’orientation des queues des comètes dans le sens de propagation de la lumière du soleil. Dans les deux cas (optique et acoustique), la pression de radiation est proportionnelle à l’intensité de l’onde qui irradie une particule divisée par la vitesse de l’onde considérée. La vitesse du son (environ 1500 ms-1 dans un liquide) étant plusieurs ordres de grandeur plus faibles que celle de la lumière (environ 3×108 ms-1), cela confère un net avantage aux pinces acoustiques : il est possible d’exercer des forces considérablement plus élevées avec la même puissance injectée, ou réciproquement d’utiliser des faisceaux de très faible intensité pour appliquer la même force. Cela réduit considérablement le risque de dommages lors de la manipulation d’objets biologiques.
Mais une difficulté a longtemps freiné le développement des pinces acoustiques : manipuler un objet précisément et sélectivement nécessite de localiser l’énergie de l’onde dans une petite portion de l’espace. Ceci peut être réalisé à l’aide de faisceaux d’ondes focalisés, à l’instar de ceux utilisés dans les pinces optiques. Mais en acoustique, la plupart des objets d’intérêt (particules solides, cellules, …) ne sont pas attirés mais expulsés du centre de ces ondes focalisées. Une autre contrainte est de réussir à piéger un objet en 3D avec un faisceau provenant d’une seule direction. En effet, comme la queue de la comète, les particules tendent à être poussées dans le sens de propagation de l’onde, ce qui rend leur piégeage axial ardu. Ces deux paradoxes ont été résolus en utilisant des structures d’ondes particulières appelées tourbillons (ou vortex) acoustiques.
Néanmoins, il restait un obstacle majeur pour manipuler des objets microscopiques : réussir à produire ces tourbillons ultrasonores à des échelles microscopiques avec un système suffisamment miniature et transparent pour pouvoir être intégré dans un microscope standard. C’est ce défi qui a été récemment relevé par des équipes de l’IEMN et de l’INSP. Pour ce faire, ils ont combiné les principes de la synthèse holographique de champs, des matériaux actifs et des méthodes de fabrication héritées de l’industrie des semi-conducteurs pour produire une puce miniature permettant de produire des tourbillons acoustiques et donc de manipuler des particules microscopiques.
Bibliographie :
[1] M. Baudoin, J.-L. Thomas, Acoustic Tweezers for particles and fluid micromanipulation, Annual Review of Fluid Mechanics, 52: 205-234 (2020)
[2] M. Baudoin, J.-C. Gerbedoen, A. Riaud, O. Bou Matar, N. Smagin, J.-L. Thomas, Folding a focalized acoustical vortex on a flat holographic transducer: miniaturized selective acoustical tweezer, Science Advances 5: eaav1967 (2019)