Modéliser et caractériser les hybridations de modes plasmons de surface dans des nanostructures métalliques connectées et déconnectées

Lorsqu’un objet métallique de taille nanométrique est irradié par de la lumière, le champ électrique incident peut faire osciller de manière cohérente les électrons du métal. Ces nanostructures, dites plasmoniques, sont étudiées pour augmenter la sensibilité de bio-détecteurs ou l’efficacité de cellules solaires. Elles présentent des résonances larges (« brillantes »), ou étroites (« sombres »), que l’on peut accorder en fréquence en jouant sur leur forme et dimensions. Ainsi, en rapprochant un nano-disque et un nano-bâton métalliques, on obtient des couplages faibles entre ces oscillateurs, ou même des hybridations pour des distances suffisamment courtes. Le cas d’un couplage par contact métallique direct a été cependant moins exploré et donne lieu à des effets spécifiques. Leur compréhension est importante pour des applications en détection à la nano-échelle.

Gauche : amplitude du champ électrique (couleur) et des charges de surface (gris) pour les modes quasi-normaux de basse fréquence des structures déconnectées (haut) et connectées (bas). Droite : image SEM des nanostructures lithographiées

Résumé du travail réalisé dans le cadre de l’ANR « Tiptop » et la thèse de Damien Eschimèse à l’IEMN

Nous avons exploré numériquement et expérimentalement la formation de modes hybrides entre un nano-disque et un nano-bâton d’or, séparés par un espace d’air (« gap ») de quelques dizaines de nanomètres ou reliés par une connexion métallique. Les simulations numériques ont été réalisées par des éléments finis en utilisant des programmes open-source (FreFem++, Gmsh). Nous avons combiné simulation de spectres d’extinction, diffusion et absorption sous illumination par onde plane et calcul de modes quasi-normaux. Cette dernière approche donne accès aux fréquences complexes et à la forme des modes indépendamment de toute illumination, facilitant ainsi l’analyse des effets de couplage et d’hybridation des modes. Enfin, un modèle analytique simplifié d’oscillateurs couplés a permis de vérifier la cohérence de la méthodologie.
Nous avons mis en évidence que les structures couplées et déconnectées ont des propriétés plasmoniques très différentes, particulièrement dans le cas de la polarisation longitudinale pour laquelle la connexion métallique redistribue de manière importante les charges de surface dans le voisinage du gap. Expérimentalement, l’obtention des structures connectées ou déconnectées dépend de l’importance des effets de proximités, inhérents à la méthode de lithographie top-down. Le contrôle de dose permet d’obtenir des structures physiquement séparées par un gap de 20 nm, ou reliées par une connexion de largeur similaire. Un très bon accord a été obtenu entre les simulations et les mesures expérimentales, que ce soit sur les structures connectées ou déconnectées. Nous avons ainsi montré que la transition entre un couplage faible (sans hybridation) et un couplage fort (avec hybridation) est obtenue pour un gap de l’ordre de 40-50 nm dans les structures déconnectées et pour les bâtons courts, alors que la présence d’une connexion métallique entraîne toujours un couplage fort quelque soit la longueur du bâton. Dans ce dernier cas, les modes « diabatiques », c’est à dire non-hybridés sont eux-mêmes modifiés par la connexion métallique, le mode brillant étant plus étroit et le mode sombre plus large. Les méthodes et résultats présentés dans ce travail peuvent être adaptées à un grand nombre de systèmes, notamment pour la réalisation de de bio-détecteurs ou de nano-capteurs de contraintes.

« Strong and weak polarization-dependent interactions in connected and disconnected plasmonic nanostructures », Damien Eschimèse, François Vaurette, Céline Ha, Steve Arscott, Thierry Mélin et Gaëtan Lévêque, Nanoscale Advances, 4, 1173, 2022.
DOI: 10.1039/d1na00620g

Contact :