Le Traitement neuro-inspiré de l’information : ouvrage d’Alain Cappy

Un panorama de la recherche sur les systèmes bio-inspirés :
des composants électroniques à l‘architecture des neurones, il n’y a qu’un pas …

Entretien avec Alain Cappy, ancien directeur de l’IEMN et de l’IRCICA.
Mis en rédaction par Karine Perrot, service Édition, Communication, Multimédias de l’IEMN

Le cerveau étant réputé pour être une machine extraordinaire, peut-on s’en inspirer pour concevoir des systèmes intelligents et économes en énergie ?
C’est la question aussi fondamentale que pragmatique que s’est posé Alain Cappy, lorsqu’il a opéré une conversion thématique de recherche sur les circuits neuronaux, après une longue carrière sur les composants électroniques, et à laquelle il essaie de répondre dans son ouvrage Traitement neuro-inspiré de l’information, (septembre 2020).
Cet ouvrage pionnier s’attache à faire une synthèse des travaux sur les systèmes neuro-inspirés pour le traitement de l’information. Il présente les concepts essentiels du traitement électronique de l’information et des principes de fonctionnement du cortex cérébral et il traite des propriétés et des réseaux de neurones et de synapses vivants et artificiels. La problématique énergétique constitue le fil rouge de l’ouvrage qui cible un public d’étudiants et de jeunes chercheurs souhaitant s’orienter vers ce sujet.

Le cheminement du chercheur est parti d’un double constat. Premièrement, la multiplication des terminaux, liée à l’activité des smartphones et des ordinateurs entraîne une croissance rapide de la consommation électrique équivalant aujourd’hui à 15 % de la consommation mondiale. Ensuite, la technologie actuelle a atteint ses limites physiques, avec la fin de la loi Moore qui prédisait un doublement de la puissance des microprocesseurs tous les dix-huit mois. En ajoutant la contrainte énergétique, il fallait donc revoir entièrement l’architecture du système de traitement de l’information et la conversion d’Alain Cappy s’est donc imposée comme une évidence :

« J’avais longtemps travaillé sur des dispositifs ultra rapides mais consommant beaucoup et dont on ne peut réduire la consommation de façon significative. C’est en recherchant des architectures plus efficaces en énergie que l’idée m’est venue de regarder le traitement de l’information dans le cerveau et donc les propriétés des neurones. Ma surprise fut grande de constater que la physique de fonctionnement des neurones était similaire à celle des composants (les transistors à effet de champ) sur lesquels j’avais travaillé depuis toujours. On peut même faire une analogie formelle entre la membrane isolante qui entoure le neurone et l’isolant qui à la base de l’effet transistor dans les dispositifs à semi-conducteurs. »

Circuit intégré émulant des neurones artificiels

Avançant en terrain familier, et s’entourant d’une équipe de chercheurs, il est vite rentré dans les détails. Mais il fallait dépasser le modèle biologique « la technologie, ce n’est pas copier mais plutôt essayer de faire différemment et mieux ».
C’est ainsi que l’équipe a fabriqué des neurones artificiels qui sont énergiquement 1000 fois plus efficaces qu’un neurone vivant, c’est-à-dire qu’ils utilisent environ 1000 fois moins d’énergie pour créer la même impulsion électrique. La raison en est simple : un neurone électronique étant 1000 fois plus petit qu’un neurone vivant, le rapport des tailles détermine le rapport des énergies.
Alain Cappy a ouvert deux voies de recherche dans le domaine des architectures bioinspirées qui constituent aujourd’hui un axe de recherche à l’IEMN et à l’IRCICA. L’une, avec François Danneville et Christophe Loyez, vise à s’inspirer de l’architecture du cerveau, pour créer des systèmes de vision intelligents et efficaces. L’autre voie, à visée thérapeutique, avec Virginie Hoel, s’applique à faire interagir des neurones vivants avec des neurones artificiels pour former des implants, afin de traiter les maladies neuro-dégénératives. La start up Axorus, créée en 2019 et vouée au traitement de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), a pour but de valoriser cette recherche.

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/book/10.1002/9781119721802